
Les Power Rangers, Bioman, et tous ces escadrons colorés de notre enfance avaient une mission simple : sauver le monde des Kaiju, ces monstres gigantesques qui menaçaient l’humanité. Mais que se passe-t-il quand ces menaces disparaissent ? Quand l’héroïsme se retrouve réduit à une simple prestation de service notée en étoiles sur une appli ?
Bienvenue dans Shin Zero, la dernière bombe signée Mathieu Bablet et Guillaume Singelin, parue chez Label 619 (Rue de Sèvres). Un Sentai version 2025, ancré dans un monde qui sent bon l’ubérisation à outrance, la précarité et les angoisses d’une jeunesse paumée.
De l’âge d’or des Sentai… à une colocation étudiante
Autrefois, être Sentai, c’était un truc mythique. On combattait le mal, on fusionnait des méchas géants, on sauvait le monde. Mais cette époque est révolue, les Kaiju ont disparu depuis des années.
Aujourd’hui, les Sentai ne sont plus que des travailleurs précaires, recrutés via une application mobile. Ils enchaînent des missions du quotidien – surveiller une boutique, s’assurer de la sécurité d’une sortie de boite de nuit, arrêter des malfrats plus ou moins dangereux – et récoltent des notes en étoiles comme un chauffeur Uber.
Dans ce contexte, on suit Warren et Héloïse, meilleurs amis sur le point de finir le lycée. Leur vie bascule lorsqu’Héloïse annonce à Warren qu’elle part vivre en ville l’année prochaine pour étudier et qu’elle s’est inscrite au programme Sentai pour financer son logement.
Dévoré par son amour secret pour elle, Warren décide de la suivre, au grand désarroi de ses parents. Et pour cause : il n’a aucun besoin financier (merci la bourse obtenue en tant que major de promo) et, surtout, il n’a jamais montré le moindre intérêt pour le passé glorieux de son père, ancien Sentai de l’âge d’or. D’ailleurs il ne s’en souvenait même pas!
Là où ça devient intéressant, c’est que le duo va rapidement se retrouver embarqué dans une colocation de Sentai, entre idéalistes, désillusionnés et jeunes adultes paumés. Un melting-pot de personnalités haut en couleur qui va l’amener à se poser les bonnes questions : pourquoi faire ça, au fond ? Pour l’argent ? Pour l’amour ? Pour trouver un sens à sa vie ? Mais où sont les Kaiju !?

Un Sentai 2.0 qui parle de nous
Sous ses allures de récit d’action ultra stylé, Shin Zero est une BD profondément contemporaine.
Elle parle d’ubérisation, de cette génération qui bosse pour une application en espérant décrocher une vie décente. Elle aborde les réseaux sociaux, la marchandisation de soi, la pression des étoiles et des notes sur nos prestations. Elle touche à l’entrée dans l’âge adulte, à ces moments où l’on se demande ce qu’on veut vraiment faire de notre vie.
Et c’est là que la BD brille : elle nous parle.
Les Sentai, ici, ne sont plus des guerriers infaillibles. Ce sont des jeunes adultes en galère, tiraillés entre leurs idéaux et une réalité brutale. Les scènes du quotidien, à la fac, la colocation, les petits boulots, s’entremêlent avec des missions pas oufs, créant un contraste saisissant entre l’héritage héroïque des Sentai et leur dévalorisation actuelle.

Un bijou visuel signé Label 619
On ne va pas se mentir : c’est une tuerie graphique.
Guillaume Singelin (PTSD, Frontier) livre des pages explosives, en noir et blanc, où chaque case regorge de détails. Son style, un mélange entre influences manga et BD européenne, apporte une énergie incroyable à l’univers.
Petit détail visuel qui tue : les seules touches de couleur sont les combinaisons des Sentai. Résultat ? Elles captent immédiatement l’œil et rappellent la grandeur passée de ces héros dans un monde qui les a oubliés. Et petite dédicace au Sentai Jaune !
Et quand on sait que Mathieu Bablet (Shangri-La, Carbone & Silicium) est à la supervision, on comprend aussi pourquoi chaque planche est un bijou. Label 619, encore une fois, nous offre une œuvre aussi belle que percutante.
C’est un premier tome, en tout il y en a 3 d’annoncés, probablement au rythme de 1 par an. La trilogie s’annonce incroyable !

Pourquoi vous devez lire Shin Zero
Si vous aimez :
- Les réinventions modernes de vieux mythes (The Boys, Watchmen, Invincible).
- Les récits sur une jeunesse paumée face à un monde absurde (Cowboy Bebop, Gantz, Akira).
- Les BD qui envoient visuellement du très, très lourd.
Alors Shin Zero est fait pour vous.
C’est une BD coup de poing, qui fait autant réfléchir qu’elle impressionne visuellement. Un Sentai du XXIᵉ siècle, brutalement réaliste, mais porté par une esthétique sublime. Un must-read.
Prêt à enfiler votre combinaison et à récolter vos premières étoiles ?