Octobre 2004 je suis en Première ES du lycée Massena. Après avoir écumé les Offspring, Red Hot et autres Sum 41 me voici animée d’une nouvelle passion. La chanson française. Enfin pas celle de maman que je ne trouve pas (encore) assez cool mais celle de ces nouveaux artistes semblés sortis tout droit d’un film en noir et blanc. Leur chanson m’amuse autant qu’elle me touche. Vincent, Jeanne, Albin, Mathieu sont mes nouveaux camarades de classe. Mars 2014, dix ans après je connais toujours par cœur les noms des filles du lycée Carnot nées en 1973. Mars 2014, j’ai rendez vous boulevard voltaire.
Sans doute le plus critiqué de la jeune génération de chanteurs (sont-ils encore si jeunes?) , Vincent Delerm a compris très vite qu’il fallait faire malgré les haters. Si pour beaucoup il est ce chanteur pas vraiment légitime qui parle et raconte des choses futiles, pour d’autres il est un compteur d’histoires. Moi je fais partie de ceux-là. Et même si les Piqures d’Araignées m’avait un peu déçue, je le retrouve avec ses Amants Parallèles comme au premier jour. Sa voix pourrait m’emmener sur un pont le soir du feu d’artifice ou à faire des valises dans la nuit… Sa voix, son timbre, sa désinvolture … Il y a chez Delerm une attachante mélancolie . Comme s’il racontait des choses qui aujourd’hui ne se font plus ou du moins ne se disent plus. Et si la majorité s’en fout, il s’attache aux détails, au plat dégusté en silence le soir d’un premier rendez-vous, au film qui passait le jeudi 6 novembre dans la rue Chamberet, à une fille qui un soir avait vu les robes de Dalida… Des spectres du passé dont il ne peut se passer et qu’il interdit de sombrer dans l’oubli. Et ses spectacles seront construits de la même manière. A mon plus grand bonheur.
Bref entre Vincent et moi il y a quelque chose. Et s’il m’arrive d’écouter en boucle toute sa discographie, j’attends avec toujours la même impatience ces passages sur scène. Il faut dire qu’en live le garçon se révèle complètement. En piano voix ou avec un accompagnateur, seul au chant ou avec ses camarades de jeux, chaque concert demeure un moment à part. Cette fois ci, les choses seront de mêmes. Construit en deux temps la tournée des amants parallèles vient encore une fois confirmer qu’il n’est pas un chanteur classique.
Dans une première partie qui durera 30/35 minutes Vincent Delerm nous racontera l’histoire d’une rencontre puis d’une histoire d’amour entre deux êtres. Entrecoupée de souvenirs personnels (ou inventés mais est-ce important ?) cette première partie me plongera dans une mélancolie douce. A la fin de chaque chanson les gens ont peur d’applaudir ou de chanter pour ne rien gâcher du spectacle. Si cette fois-ci les textes sont plus imaginés, plus complexes et moins gais, l’enchantement reste le même. Poils hérissés, gorge nouée on profitera quand même de l’incroyable ingéniosité de la mise en scène. Seul au piano, un second piano automatique lui rend coup sur coup. Derrière lui, des rétroprojecteurs sans doute piqués à un cours de SVT de 4ème B projettent des dessins qui s’animent au fil du concert. Enfin une voix off vient ajouter les anecdotes d’un Delerm toujours pas très à l’aise quand il doit s’adresser au public.
La deuxième partie sera plus douce et plus légère même si le spectre des amants passagers reste bien présent. La, c’est toute la salle qui s’en donne à cœur joie pour reprendre ses chansons désormais cultes. Si on est ravi de retrouver la Vipère du Gabon ou Deauville sans Trintignant on est triste de ne pas y retrouver toutes les chansons qu’on adore. Si le moment est parfait, l’émotion atteindra son paroxysme quand il reprendra Gainsbourg pour une Ballade de Johny Jane inoubliable. Un très beau moment pour clôturer un concert de toute beauté !