Quatorzième film en quinze ans, L’Accident de piano montre un Quentin Dupieux toujours aussi fou et inventif… mais cette fois un peu plus les pieds sur terre. Ou plutôt, dans la neige. Loin de ses délires purement absurdes, il s’attaque ici frontalement à la folie des réseaux sociaux et créateurs de contenus. Le résultat ? Un mélange grinçant entre humour noir et constat amer, qui ne plaira pas à tout le monde, mais qui, moi, m’a bien touchée.

Magaloche, influenceuse sans filtre… et sans douleur

Adèle Exarchopoulos, méconnaissable (plâtre, minerve, perruque improbable et bagues dentaires), incarne Magalie aka « Magaloche ». Une star du web à l’âge mental douteux, capable de se brûler, se brutaliser en live pour ses abonnés. Et oui, la jeune femme ne ressent pas la douleur, et inspirée par Jackass, elle en fait une carrière. Après un mystérieux « accident de piano » lors d’une vidéo, elle s’exile dans un chalet, assistée par Patrick (Jérôme Commandeur) son parent de substitution.

Entre yaourts avalés avec dédain (et dégout pour nous), fan harceleur (Karim Leklou) et journaliste manipulatrice (Sandrine Kiberlain), Magaloche s’enfonce dans une spirale où la bêtise devient presque une performance artistique.

Un Dupieux plus ancré dans le réel

Ici, pas de guerrier en spandex ni de mouche géante à dresser. L’absurde naît du quotidien et de ses excès, ce qui rend le film étrangement familier. On sent que Dupieux s’est amusé à observer notre algorithme et nos influenceurs, puis à en grossir les traits jusqu’à ce que ça devienne franchement grotesque. Et comme souvent, le pire, c’est qu’on reconnaît tout.

Les influenceurs obsédés par leur visibilité, les médias qui ne cherchent pas tant la vérité que la petite phrase choc, les fans qui vénèrent un artiste pour mieux le détruire ensuite… Rien n’échappe à son viseur. Dupieux s’offre même le luxe de se moquer de lui-même à travers Magaloche, star qui revendique « faire de l’art sans effort », clin d’œil à son rythme effréné de tournage ?!

La montagne comme l’autre accident

Le cadre montagnard, faussement pur et apaisant, devient un décor parfait pour cette comédie noire. J’ai pensé dès les premières secondes à Anatomie d’une chute. Puis chaque scène ressemble à un duel et la noirceur rappelle Le Daim, avec ce même sentiment de malaise qui fait rire jaune.

C’est méchant, oui, mais aussi furieusement lucide sur notre époque. On ressort avec la sensation que Dupieux, derrière ses délires, nous tend un miroir et que ce qu’on y voit n’est pas toujours très flatteur.

Mon verdict

Ce n’est pas, à mes yeux, le meilleur Dupieux mais L’Accident de piano frappe juste pour un sujet aussi bancal. Plus accessible, plus proche de la réalité, et toujours porté par un excellent casting. Adèle Exarchopoulos s’offre un rôle de composition XXL, jubilatoire dans sa vulgarité et son cynisme.

Un film qui parle de la culture du vide, tout en prouvant qu’il reste encore des choses à en dire.

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Blogueuse spécialisée dans les écrans. Partage son temps entre les bouquins, les jeux vidéo, les séries TV, le cinéma et les podcasts.

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