À Cannes, les projections s’enchainent et ne se ressemblent pas. Et parce que nous ne suivons pas tous le même programme, il arrive que nous regardons certains films le lendemain. Ce qui laisse le temps d’avoir quelques retours pour le meilleur comme pour le pire. Sirat était le premier “buzz” de cette compétition puisque le jeudi 15 mai, en toute fin de soirée, la presse s’est emballée unanimement. Un engouement que nous partageons le lendemain de sa projection officielle ? Réponse dans ces lignes !

De l’enfer au paradis
Le Sirat c’est, dans la religion musulmane, le pont qui permet de passer de l’enfer au paradis. C’est par cette explication que commence le film d’Oliver Laxe. Propulsés au cœur du désert Marocain, nous vibrons au rythme des basses dans une rave-party loin de notre société occidentale. Des “marginaux” se sont rassemblés là avec seul projet de se retrouver à la prochaine fête. Il faut dire que ceux qu’on découvre semble avoir vécu l’enfer. Il manque une jambe à l’un. L’autre un bras. Ils vivent dans des camions avec la famille qu’ils se sont choisis.
De l’autre côté, on croise Louis qui cherche sa fille disparue depuis 6 mois. Il est accompagné de son fils. L’image détonne avec l’ambiance. Puis quand ils se couchent, eux aussi, dans un monospace aménagé en maison ambulante, on se dit que la réalité telle que nous la connaissons n’est pas tout à fait celle du film de Laxe.
Avec les annonces à la radio, la police qui cherche à maintenir l’ordre et les populations qui fuient sur les bords des routes, on commence à voir le plan. Le monde est en feu (la troisième guerre mondiale est souvent évoquée). Que feriez-vous vous s’il n’y avait plus rien à faire ? Pour Louis, il s’agit de retrouver sa fille. Pour les participants à la rave qui vont croiser sa route, c’est rouler, fumer, danser, vivre avant qu’il ne soit trop tard. Ensemble, ils vont prendre la route.
Partager est la clef
Écrire sur Sirat est une vraie difficulté tant le film est une expérience sensorielle à vivre. Le film est fait de toutes petites choses dans sa première partie lumineuse qui veut montrer que même quand tout semble perdu, la vie reprend toujours le dessus. On se prend d’affection pour un gamin tout sourire quand il voit la voiture de son père passer une rivière qu’il pensait infranchissable, s’émouvoir pour son chien qui a pris du LCD par accident ou apprendre à son père que même dans ces moments-là, partager est la clef.
Tous ces êtres abimés par la vie vont avancer ensemble, créer des liens alors qu’ils n’avaient à la base rien en commun (décidément la famille que l’on se choisit semble être un thème récurent de ce Festival de Cannes). La seconde partie du film est plus sombre et bascule même dans l’horreur. À la manière d’un trip sous acide, on est montés (littéralement comme au sens figuré). Il va falloir redescendre.

Sirat est en ce sens un film comme on n’en a jamais rarement vu. Il faut imaginer une ambiance désespérée à la Mad Max avec un Sergi Lopez pragmatique et normal au milieu de la horde.
Un film qui nous aura fait passer par beaucoup d’émotions et qu’on imagine mal repartir bredouille. Un prix du scénario ou de la mise en scène serait une possibilité.