Je savais que j’allais aimer Robin The Boy Wonder pour le dessin. Je ne m’attendais pas à ce que Juni Ba me cueille aussi émotionnellement. Après son excellent Mobilis, l’auteur nous offre une histoire de Damian Wayne à la fois ludique et bouleversante, qui parle de filiation, d’émancipation et de ce drôle de truc qu’on appelle grandir quand on a un masque sur le visage.

Robin, conte entre héritage et choix personnels

Damian a été élevé pour être une arme par sa mère et son grand-père. Chez lui, la douceur ne fait pas partie du kit de départ. En arrivant à Gotham chez son papa Batman, il découvre qu’il n’est qu’un « fils » parmi d’autres, précédé par Nightwing, Red Hood et Red Robin.

Ce décalage, Juni Ba le transforme en moteur de récit : Damian veut prouver qu’il mérite sa place, mais il doit surtout comprendre quelle place il veut occuper. Être Robin, ici, ce n’est pas réciter un code de conduite, c’est choisir qui on protège, pourquoi, et comment.

L’idée brillante : faire résonner la mythologie Batman avec la grammaire du conte. On ouvre chaque chapitre avec un « il était une fois », avec un « roi » pour Bruce, des « princes » pour les Robin et des « démons » tapis dans les ruelles.

Ce cadre de fable n’édulcore rien : au contraire, il permet de parler de peur, de colère et de doute avec une limpidité rare. Le fantastique sert de miroir aux émotions, et la ville devient un personnage qui avale, rejette, puis re-accueille ses enfants perdus.

Fratrie, rivalités et tendresse

Ce que j’ai préféré ? Les duos. Nightwing et sa chaleur solaire qui désarme. Jason, tout en angles et cicatrices, miroir brutal où Damian lit sa propre peur. Tim, l’intello stratège, qui rappelle que la discipline n’empêche pas la sensibilité. En quelques échanges, Juni Ba dépeints des liens familiaux crédibles : ça pique, ça se toise, ça s’admire en douce. Et au milieu, un père qui doute autant que son fils, ce qui rend leurs maladresses presque touchantes.

Surprise bienvenue : la BD ne s’arrête pas au « je sauve la nuit, on verra demain ». Elle parle aussi d’action locale, d’entraide, de comment on transforme un quartier sans jouer les sauveurs. Damian expérimente, se trompe, corrige. On sent chez Juni Ba l’envie d’ouvrir la voie à un héritage positif, pas seulement spectaculaire.

Le style Juni Ba

Visuellement, c’est la fête. Les compositions sont claires, les silhouettes bondissent, les onomatopées claquent sans jamais parasiter la lecture. Mais si je reste, c’est pour la précision du cadrage : une moue de Damian qui dit plus qu’une bulle, un détail isolé qui expose une faille, un plan large qui resserre tout à coup sur l’émotion.

Les couleurs de Chris O’Halloran accompagnent cet équilibre ente jeu et gravité, avec très peu de couleurs par scène, ce qui installe des ambiances : or brûlé pour la légende, mauve pour l’angoisse, vert acide pour la tentation.

Une évidence : Damian Wayne n’est pas seulement « le Robin assassin repenti ». Ici, il devient un personnage à part entière, capable de faire la paix avec ses contradictions. Et je crois que c’est ça, le vrai superpouvoir du livre : rappeler que la tendresse peut cohabiter avec la rage, et que choisir le bien n’a rien d’automatique, c’est un apprentissage quotidien.

C’est Un grand oui. Une lettre d’amour aux Robin qui assume sa forme de conte pour mieux parler de réalité. C’est vif, sensible et incroyablement lisible. J’y retourne sans hésiter, ne serait-ce que pour traquer ces petits regards en coin que Juni Ba glisse partout.

  • Titre : Robin The Boy Wonder
  • Auteur : Juni Ba (scénario & dessin), Chris O’Halloran (couleurs)
  • Éditeur VF : Urban Comics
  • Contenu : The Boy Wonder #1–5
  • Pagination / Prix : 184 pages, 20 €
  • Parution VF : 11 juillet 2025
Author

Blogueuse spécialisée dans les écrans. Partage son temps entre les bouquins, les jeux vidéo, les séries TV, le cinéma et les podcasts.

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