J’ai refermé Ancolie avec ce sentiment très ambivalent que seuls certains récits savent provoquer. Tu sais, ce genre de lecture où tu passes un super moment… jusqu’à ce que la BD s’arrête brutalement au moment le plus prometteur. C’est exactement ce que j’ai vécu. Et c’est frustrant.

Ancolie, la sorcière qu’on aime détester
Dès les premières pages, j’ai été happée par le ton : grinçant, irrévérencieux, résolument moderne. Ancolie, c’est une sorcière qui a 360 ans, mais qui traîne sa nonchalance dans les bars miteux comme une trentenaire désabusée. Elle est sale, trash, vulgaire, égoïste, et profondément cynique. Et franchement ? J’ai adoré la détester.
Parce qu’elle n’a rien d’un modèle. Elle n’est pas là pour te servir une morale ou devenir une meilleure personne. Elle est là pour râler sur le monde, s’auto-saboter, courir après son ex-vampire, traumatiser des humaines, et faire des ravages dans les soirées. C’est tout. Et ça marche. C’est bien écrit, c’est drôle, parfois acerbe, parfois même un peu triste. Surtout ce qui touche à l’amitié.

Une BD ancrée dans son époque
Là où Ancolie marque des points, c’est dans sa capacité à détourner l’archétype de la sorcière pour en faire un miroir acide de notre société. La BD ne prend pas de pincettes : ça parle d’éco-anxiété, de désillusion face à la politique, de solitude, d’addictions, de rapports toxiques, de colère. C’est une sorcière punk qui essaye (un peu) de sauver le monde, mais à sa façon : avec des sortilèges crachés dans les verres de vin, des bouquins de magie qui traînent entre deux canettes et un cynisme XXL.
Le dessin, lui, colle parfaitement à l’ambiance : traits expressifs, visages blasés, décors chaotiques, couleurs parfois ternes, parfois éclatantes. C’est le bazar, c’est foisonnant, et ça raconte aussi visuellement le chaos intérieur de l’héroïne.

Et puis… ça s’arrête
Là où le bât blesse, c’est que Ancolie ne se termine pas. Vraiment. Juste quand l’intrigue prend enfin un tournant décisif, que l’idée de sauver le monde commence à se dessiner, que les relations évoluent, BIM. Double page absurde, rideau, terminé.
Pas de vraie résolution. Pas de transformation du personnage. Pas de conclusion à l’histoire. On a l’impression que la BD coupe en plein élan. Comme si on nous disait : « Voilà, c’était sympa, hein ? Allez, débrouille-toi avec ça. » Et honnêtement, j’ai trouvé ça décevant. Parce que j’avais envie de voir jusqu’où cette sorcière paumée pouvait aller. Parce qu’un tel personnage méritait mieux qu’un arrêt net.
J’ai cherché, exploré ces derniers pages, mais rien.

Alors, je recommande ?
Oui… mais avec réserve. Si tu aimes les récits à l’humour noir, les anti-héroïnes qui bousculent les codes, les BD qui parlent de notre époque sans chichis, tu vas trouver ton bonheur. Ancolie est une sorcière mémorable, et Salomé Lahoche signe là un univers fort, visuellement comme narrativement.
Mais si tu es du genre à aimer les histoires qui se tiennent du début à la fin, avec un vrai climax, une vraie résolution… tu risques de rester sur ta faim. Comme moi.
Je croise les doigts pour une suite. Parce que si Ancolie mérite d’être remise à sa place, elle mérite aussi d’aller au bout de son histoire. Mais rien ne laisse entendre un tome 2.