Quand Hafsia Herzi est sur l’affiche, on sait qu’on peut y aller les yeux fermés. Que ce soit en tant qu’actrice (on l’a adorée dans Borgo qui lui a valu un bien joli César), qu’en tant que réalisatrice désormais (Tu mérites un amour ou Bonne mère). Alors quand elle est sélectionnée en Compétition Officielle au Festival de Cannes, on se dit qu’on va noter La petite dernière parmi nos attentes.

La petite dernière, c’est l’histoire de Fatima, une lycéenne de 17 ans, musulmane qui vit en banlieue avec ses sœurs et ses parents aimants. Elle révise le Bac, elle prie, elle mange des crêpes à la maison. Elle a des frères de sang, sept, qui par son côté garçon manqué ont fait d’elle leur protégée. Elle a un même un copain, qu’elle voit en cachette qui s’imagine demander sa main pour enfin passer à la vitesse supérieure. Oui, mais voilà, Fatima ne se reconnaît pas dans cette vie de future épouse qui doit apprendre à cuisiner pour son mari et se faire belle pour lui plaire. Parce que au fond, Fatima, elle préfère les filles, les femmes, les meufs. Mais comment explorer cette sensualité et suivre ses désirs quand on a la foi et que dans la foi, l’homosexualité est le pire des péchés ?

Religion, contradictions

Dans ce “Coming-Out-age” movie Hafsia Herzi se penche sur le sujet épineux de la religion qui emprisonne alors qu’on aimerait qu’elle libère. Elle ne remet jamais en question la foi, mais plus son incapacité à s’adapter quand d’autres schémas que l’hétérosexualité sont en jeu. Alors que faire ? Avoir une double vie. Prier le jour. Sortir la nuit. Rencontrer. Découvrir. S’exprimer. Vivre. Aimer. Même si ça fait mal. Même si on ne sait pas où on va. Et quand bien-même, comment être sûre qu’on ne va pas tout droit en enfer en continuant ?

C’est ce déchirement qui intéresse Hafsia Herzi. Cette dualité qui met la religion (et globalement toutes les religions) face à ses contradictions, ses limites, son patriarcat. Fatima n’a pas perdu la foi, elle en a trouvé une autre qu’elle aimerait complémentaire pour être enfin heureuse.

Son sujet est donc plus qu’un film, c’est un geste politique. Un geste qui lui a valu bien des problèmes (difficultés de financement, arrêts de tournage, insultes…). Forcément quand on est une femme, d’origine tunisienne qui veut parler de religion Musulmane et d’homosexualité, on se heurte a pas mal de choses.

Tout le monde mérite un amour

Au-delà d’être intelligent, La petite dernière est un très joli film sur la famille qu’on se choisit et la découverte de la liberté (sexuelle, mais pas que). Après avoir subi un “sale lesbienne” au lycée, elle s’entoure au lycée d’amis Queer qui n’ont que faire de son orientation sexuelle et l’accueillent telle qu’elle est. Dans les soirées parisiennes, les gens s’embrassent, à deux, à trois. Les corps se frôlent. Insouciants. Vivants. Et quand elle comprend qu’on peut crier “Vive les lesbiennes” en boite de nuit, c’est tout un monde qui s’ouvre à elle. Alors, elle va chercher, découvrir, apprendre, faire l’amour et tomber amoureuse. Oui, car La petite dernière est aussi une romance. La première, celle qu’on n’oublie pas.

Et quand elle va défiler pour la première fois à la Gay Pride bras dessus bras dessous avec sa chérie, le parallèle avec la Vie d’Adèle est assez flagrant. La vie de Fatima, c’est ça. 4 saisons pour grandir. S’écouter. Se découvrir. S’éveiller. Sous le regard bienveillant de la grande sœur Hafsia qui veut hurler au et fort que tout le monde mérite un amour.

La petite dernière, c’est aussi une révélation, celle de Nadia Melliti actrice non professionnelle qui derrière son regard grave porte le film. Jamais naïve, toujours méfiante, on ne voit pas trop les frontières entre l’actrice et son rôle qui lui colle à la peau. Les larmes de Fatima quand elle est en tête-à-tête avec sa mère dans la cuisine et que les mots ne sortent pas nous aurons serré forts le cœur.

Gros coup de cœur pour ce film qu’on ne voit pas repartir sans rien du Festival.

Author

Cinéphile aux lacunes exemplaires, mon coeur bat aussi pour la musique, les chaussures léopard et les romans de Bret Easton Ellis. Maman de 2muchponey.com, niçoise d'origine, parisienne de coeur, je nage en eaux troubles avec la rage de l’ère moderne et la poésie fragile d'un autre temps. Si tu me parles de Jacques Demy je pourrais bien t'épouser.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Pin It