Vous vous souvenez de La Nuit du 12 ? Et bien son réalisateur (césaré depuis) revient avec Dossier 137 en compétition au Festival de Cannes.
Nous sommes au cœur des évènements des Gilets Jaunes à Paris. Un jeune homme, Guillaume se prend un tir de flash balle dans la tête et est lourdement blessé. La famille porte plainte et le dossier 137 se retrouve sur le bureau de Stéphanie de l‘IGPN, la police des polices.

Rétablir la vérité
Comme dans La Nuit du 12, Dominik Moll reconstitue un drame inspiré de faits réels. Nous ne voyons pas ce qui s’est passé (et nous ne le savons pas), le film suit l’enquête de Stéphanie. La découverte d’images, de preuves, de témoignages pour que nous nous fassions notre idée des éléments. On ne sait par quel miracle, Dominik Moll arrive à faire ça, mais il nous tient en haleine tout au long du film. Grâce à des procédés de mise en scène et de reconstitution (une très belle utilisation des images filmées au Smartphone par exemple) le film est absolument passionnant. La victime n’a pas la parole. Elle est en incapacité de parler. On va donc faire sans elle pour rétablir la vérité.
La grande intelligence du film est dans sa volonté de ne pas immédiatement prendre parti. Puisqu’on enquête, il n’y a pas une vérité, mais plusieurs versions des faits. En faisant incarner ces propos par une enquêtrice de l’IGPN, Dossier 137 n’est pas un plaidoyer anti-flic. Il ne légitime d’ailleurs jamais la violence des casseurs. À mesure que le film avance, le propos prend un tournant et cette fois oppose assez radicalement l’IGPN (les gens bien qui veulent faire la vérité et éviter tout abus) et les cow-boys de la BRI.
Au-delà de ses charges contre une police qui n’agit plus de manières raisonnées, Dossier 137 se veut également à charge des institutions françaises incapables d’organiser, de gérer une crise ou encore d’assumer certaines erreurs. Petit sourire pour nous, Français quand on imagine des journalistes d’autres pays, découvrir ce portrait de notre pays. Ils ne seront pas étonnés tant il reflète l’image que nous avons à l’étranger.

Jusqu’à la fin
Dans le rôle de Stéphanie, une Léa Drucker exceptionnelle et tout en nuance en mère / flic impliquée qui va d’étonnement en étonnement. Encore une fois, l’actrice prend toute la place et on en vient à se demander si elle a déjà fait un mauvais choix dans sa carrière ou une interprétation en dessous.
Ici, on adore Dossier 137 même si par son sujet, il est moins féministe et bouleversant que La Nuit du 12 qui nous avait marqué au fer rouge. Le plan final entre témoignage face caméra du blessé qui n’aura plus jamais la même vie et une virée en voiture sur fond de “Là-haut sur la colline” nous aura quand même mis quelques frissons.
On remercie Dominik Moll d’avoir fait un film pour dénoncer les violences policières. On n’est pas sûre que celui-ci soit montré à l’Élysée ou apprécié du président. Par un jury présidé par Juliette Binoche ? Peut-être bien…