Cannes, 4ᵉ jour. 10 h 30.

Hier soir, nous avons fini la journée par After Yang. Film d’une grande poésie du réalisateur sud-coréen Kogonada. Dans le futur, les humains cohabitent avec des androïdes et des clones. Créés pour pallier un manque affectif, ils font partie de la famille. Pas de débat sur l’éthique ou les dangers de la robotisation, juste le portrait émouvant d’une famille après l’arrêt brutal de Yang. Androïde et grand frère. Tour à tour, le père (incroyable Colin Farrell), la mère et la fille tentent de faire leur deuil. La mise en scène est somptueuse. La vision du futur tendre et puissante. Beaucoup de non dits pour laisser au spectateur son interprétation. After Yang est une belle promesse. Il aura manqué un peu d’émotion pour en faire un très grand film de la compétition Un certain regard.

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On quitte le futur pour un film les deux pieds dans le réel. Direction Oslo pour faire la rencontre de Julie en 12 chapitres. Nous avions laissé Joachim Trier avec Oslo, 31 aout, nous le retrouvons pour la première fois en compétition. Julie a 30 ans. Se pose des questions sur sa vie, ses aspirations, ses amours quand autour d’elle tout semble clair pour les autres. Le film, décomposé en chapitre, raconte son évolution. Ses rencontres. Et pose en permanence la question de ce qui est attendu par les autres. Les enfants. Un emploi stable. Porté par la révélation Renate Reinsve, Julie en 12 chapitres, est une petite merveille qui nous aura fait passer par toutes les émotions. Un magnifique film féminin et féministe qui aborde son sujet par le seul regard de son héroïne. Aux antipodes d’un “male gaze”. Encore plus admirable quand son réalisateur est un homme. Joachim Trier semble avoir compris tout de son héroïne. On adore la fraicheur du film mélangé à sa grande mélancolie. La poésie de la réalisation. Un coup de cœur absolu qui a fait l’unanimité ici à Cannes !

Copyright Oslo Pictures

Très applaudi la veille (avec les compléments du Président du jury en prime), Lingui fait partie des sensations du début de Festival. Au cœur du Tchad, une mère cherche un moyen pour aider sa fille de 15 ans à avorter. Dans une communauté très religieuse où cet acte est interdit par la loi, le chemin sera dangereux. Encore un film fort profondément engagé, politique et féministe avec ce qu’il faut de rire et de légèreté pour rendre son sujet supportable. Le spectateur est complice de ces femmes fortes. Un plaidoyer puissant contre la rigidité de l’Islam. Une ode à l’indépendance. Fort. Une présence au Palmarès semble être promise.

Copyright Pili Films/Mathieu Giombini

On reste en Grand Théâtre Lumière pour découvrir cette fois un film hors compétition : Où est Anne Frank ? Un rendez-vous à ne pas manquer tant son réalisateur, Ari Folman, fait partie des références en matière d’animation depuis son magnifique Valse avec Bachir. Le film traite l’histoire d’Anne Frank à travers le regard de son ami imaginaire : Kitty. D’un point de vue l’animation, tout est très réussi. Les idées de mise en scène entre passé et présent sont merveilleuses et apportent un nouveau regard sur cette histoire tragique. Le film insiste fortement sur le devoir de mémoire et ses portées pédagogiques en font un film important à montrer aux enfants. Pour les adultes, la partie dans le présent est un peu trop naïve pour vraiment fonctionner.

Where Is Anne Frank' Review: Ari Folman's Animated Diary Adaptation - Variety
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Changement radical d’ambiance pour une première séance à la Quinzaine des réalisateurs : Les Magnétiques. Premier film du français Vincent Maël Cardona. Le film raconte la vie dans les années 80 d’une bande de copains et de deux frères, passionnés de radio. Enfin plutôt d’un. Philippe. Le cadet. Plus timide que son frère, moins magnétique, moins malin, moins borderline. Loin du stéréotype du mâle alpha. Il va grandir, s’affirmer et tomber amoureux. Les Magnétiques nous aura fait l’effet d’une bombe. Drôle, référencé, rock et sexy, ce premier film français a tout d’un grand. Derrière la comédie, on retrouvera un des thèmes qui résonne toujours fort en nous : le poids familial quand il faut partir pour vivre sa vie. Les Magnétiques est une belle surprise. Un film qui nous confirme tout le bien qu’on pense du renouveau du cinéma français.

Copyright Paname Distribution
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Cinéphile aux lacunes exemplaires, mon coeur bat aussi pour la musique, les chaussures léopard et les romans de Bret Easton Ellis. Maman de 2muchponey.com, niçoise d'origine, parisienne de coeur, je nage en eaux troubles avec la rage de l’ère moderne et la poésie fragile d'un autre temps. Si tu me parles de Jacques Demy je pourrais bien t'épouser.

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