C’est fini. Après quatre saisons de chaos temporel, de fins du monde à répétition et de familles recomposées toujours prêtes à se déchirer (ou à se sauver), Umbrella Academy a tiré sa révérence. Et comme souvent avec cette série, on ne sait pas très bien si on doit applaudir… ou hausser les épaules.

J’ai regardé cette ultime saison en décalé, elle est sortie pendant l’été 2024 et on vient juste de terminer les six épisodes. Une saison courte, rapide. Trop rapide, peut-être car si l’intention est là, la mise en œuvre laisse un petit goût de précipitation.
Une saison plus courte, plus concentrée… mais pas plus claire
Dès le premier épisode, on retrouve la fratrie Hargreeves dans un nouveau monde où ils n’ont plus de pouvoirs, 6 ans après la saison 3. Luther, Diego, Viktor, Five, Klaus, Allison, Ben et Lila vivent chacun de leur côté, comme s’ils essayaient enfin d’avoir une “vie normale”. Le ton est doux-amer, souvent drôle, parfois touchant. Et c’est sans doute la partie la plus réussie de cette saison : voir ces personnages ex-super-héroïques aux prises avec l’ordinaire. Des humains normaux avec des problèmes d’humains normaux comme gérer l’anniversaire des enfants ou exploser une piñata.
SPOILER : Mais très vite, l’intrigue redevient familière : une nouvelle apocalypse se profile, et cette fois-ci, la menace vient littéralement d’eux. Ils sont le problème. Et aussi, paradoxalement, la solution. La série pousse ici un raisonnement radical : pour sauver le monde, ils doivent cesser d’exister. Un sacrifice entier, anonyme, presque abstrait.
C’est audacieux. Mais en six épisodes, ce choix narratif n’a pas le temps d’être suffisamment préparé ni pleinement assumé. Le rythme est accéléré, les scènes clés manquent parfois de souffle, et plusieurs personnages sont mis de côté.

Viktor, Allison, Luther, Klaus : les oubliés du final ?
L’un des aspects les plus frustrants de cette dernière saison, c’est le traitement inégal des personnages. Viktor (joué par Elliot Page) est relégué au second plan, malgré un potentiel dramatique énorme. Sa relation avec sa famille, ses émotions, ses décisions : tout est survolé. On a l’impression que les scénaristes ne savaient pas trop quoi en faire, alors qu’il avait été au centre de la narration dans les saisons précédentes.
Klaus continue d’être malmené. Entre exorcismes forcés, retour dans le monde des morts et des sous-intrigues gênantes, il reste un ressort comique un peu trop facile, alors qu’il aurait pu incarner l’une des voix les plus humaines et sensibles de cette dernière ligne droite. Et il embarque sa soeur Allison dans son récit, la mettant à part sur le timeline finale.
Pareil côté Luther et Diego, c’est un peu le bordel, mais à l’image de cette saison. Ils auront un petit arc à part avec la CIA, mais rien de fou. Ça manque d’unité, de logique.
Five de son côté a une narration intéressante avec Lila. Lui, qui a longtemps porté l’intrigue temporelle sur ses épaules, se retrouve embarqué dans une romance ferroviaire. Une relation qui gagne en profondeur dans le silence et les images qui s’enchaînent.

Le fond du propos : être un héros, même sans reconnaissance
L’idée centrale de cette fin, c’est que les Hargreeves, en choisissant de ne jamais exister, réalisent l’acte de bravoure ultime. Pas de monuments, pas de monde à sauver devant des caméras : juste un effacement discret pour corriger les erreurs du passé.
C’est une belle idée. Mais elle manque de mise en tension. On aurait voulu sentir plus de doutes, de conflits intérieurs, de discussions en profondeur. Ici, tout est évoqué en une scène ou deux, puis emballé. C’est un final expédié en 20 minutes à peine.
Le symbole des Œillets d’Inde (marigolds) qui repoussent à la fin, dans un parc ensoleillé, est doux. Peut-être trop. On aurait aimé quelque chose de plus fort, de plus cathartique, surtout après quatre saisons de luttes existentielles et de traumas familiaux.

Une série qui n’a pas tout raté, loin de là
Malgré ses maladresses, Umbrella Academy garde son ADN jusqu’au bout. Ce mélange d’humour noir, d’émotion sincère, de personnages brisés, mais profondément humains. Même dans cette dernière saison inégale, certaines scènes touchent juste : l’épisode 5 est une pépite, les retrouvailles sont parfois très justes, et le duo Jean et Gene apporte une bizarrerie bienvenue.
On sent aussi que les scénaristes ont voulu éviter le grand spectacle gratuit. Pas de combat final interminable, pas de destruction planétaire au ralenti. À la place, une fin plus intime, presque modeste, qui interroge le rôle du héros dans une société qui n’en veut plus.
Verdict ? C’est imparfait. C’est un peu frustrant. Mais c’est sincère. Umbrella Academy se termine comme elle a souvent avancé : en zigzag, pleine de bonnes idées mal exploitées, mais avec une vraie personnalité. Ce n’est pas une conclusion magistrale, mais c’est une vraie fin. Et ça, déjà, ce n’est pas si mal.

