Après le très poétique Monrise Kingdom, Wes Anderson revient avec The Grand Budapest Hotel, un film dont seul l’affiche pouvait nous convaincre d’aller au cinéma !
Le film retrace les aventures de Gustave H, l’homme aux clés d’or d’un célèbre hôtel européen de l’entre-deux-guerres et du garçon d’étage Zéro Moustafa, son allié le plus fidèle.
La recherche d’un tableau volé, oeuvre inestimable datant de la Renaissance et un conflit autour d’un important héritage familial forment la trame de cette histoire au coeur de la vieille Europe en pleine mutation.
Il aura fallu trois minutes à Wes Anderson pour nous replonger dans son univers. Trois minutes pour nous remettre en tête la raison de notre admiration à son égard. Cette fois-ci ce n’est plus une université, une maison familiale, un sous-marin, un train en Inde ou un camp de scoots mais un hôtel. La première impression c’est alors que Wes Anderson voit plus loin, plus grand et va enfin donner à son immense talent, l’ambition qu’il mérite. Un hôtel et pas des moindres (le Grand Budapest Hôtel ou comprenez l’un des plus grand palaces européens à son âge d’or) avec un casting sacrément jouissif. On a alors l’impression d’assister au film de la maturité, au film parfait dont on a tant rêvé.
Bien sur, certains diront rapidement que le plus créatif des réalisateurs américains a du mal à se renouveler mais allons plus loin et intéressons-nous à son fond. A première vue, The Grand Budapest Hotel pourrait être une suite (ou un résumé?) de ses précédents films. Il pourrait se reposer sur le rassemblement de toute la tribus Andersonnienne. Il pourrait oui, mais finalement au fil des minutes on se rend compte que le projet est bien différent.
Déjà, parce que sous ses allures de film gentillet et mignon, se cache un film sacrément noir et pessimiste. Pour la première fois, Wes Anderson décide d’insérer son histoire dans un background des plus sinistres et graves. Si l’on croit assister à une banale histoire d’héritage et à un apprentissage de la vie par la transmission d’un maître à son élève, on va vite s’apercevoir que sous ses apparats, Le Grand Budapest Hotel se fissure. Dehors c’est la guerre, et l’Allemagne nazis d’Hitler compte bien piétiner autant de merveilles qu’elle le peut. On a le coeur un peu serré quand on voit un train s’arrêter dans une campagne enneigé et des soldats demander des papiers à un jeune immigré… On avalera notre haine quand on verra le jadis, si grand hôtel, transformé en QG pour SS… Difficile alors de regarder ce film avec la même innocence, avec la même candeur que ses prédécesseurs. Ici, la lutte est un vrai combat et la raison de s’engager des plus nobles. Au delà de ce background bien sombre, on remarquera vite que les habitants du Grand Budapest Hôtel sont tout aussi abimés par la vie. Un état de solitude alarmant qui nous frappera aux yeux bien des fois. Un second visionnage est alors hautement conseillé histoire de saisir cette fois-ci tous les messages qui s’y cachent.
N’allez pas croire que Wes Anderson a plombé son film ! Au contraire, malgré cela, The Grand Budapest Hôtel n’en reste pas moins une pure réjouissance. L’humour fonctionne toujours aussi bien et la touche décalée de Wes Anderson n’a jamais si bien sonné. On sourit beaucoup quand on a pas la bouche grandement ouverte devant la démonstration de Wes Anderson. Encore une fois, le réalisateur américain prouve son don pour la mise en scène qu’on admire toujours autant. Plans séquences, travelling avant, arrière, zooms… tout s’enchaîne avec une grâce rare qui nous scotchera bien souvent dans notre siège. L’impression d’assister à un ballet diriger d’une main de maître se fait alors sentir. Ballet qui se déroule d’ailleurs dans des décors tous plus beau les uns que les autres qui vous ferraient regretter de cligner parfois des yeux…
Finalement, là où The Grand Budapest Hotel “déçoit” un peu c’est dans le traitement de l’histoire d’amour entre le jeune héros et sa bien aimée. Quand le temps semblait s’arrêter entre Margot et Richie ou pour Suzy et Sam, ici tout continue de tourner presque normalement. On ne ressent pas alors une passion folle entre les deux amoureux mais plus un passage obligé pour deux adolescents. D’ailleurs on regrettera aussi de ne pas avoir trouvé (du moins à ce premier visionnage) de scènes vraiment inoubliables qu’on pourrait se passer en boucle ! Pourtant tout y était, une BO au top, des acteurs merveilleux (même si on regrettera le passage éclair de certains…) et un scénario d’une richesse et d’une ingéniosité merveilleuse. Le sentiment que dans cette perfection et la recherche du “MasterPiece” Wes Anderson aurait oublié sa poésie qui le caractérise pourtant si bien…
Impossible de parler de ce film sans dire quelques mots sur l’immense performance de Ralph Fiennes. En maître d’hôtel malin, charismatique au possible et quelque peu précieux, Ralph Fiennes signe peut-être ici sa plus belle performance à l’écran. D’une justesse et d’un naturel à toute épreuve, l’acteur semble chez Anderson comme un poisson dans l’eau. Si son personnage est merveilleusement écrit on se dit que Gustave n’aurait pas été le même sous les trains d’un autre. Une performance tellement géniale qu’elle vient un peu assommer les seconds rôles. Même si le jeune acteur Tony Revolori signe ici un véritable premier essai à l’écran, aucun autre rôle n’arrive à tenir tête à Fiennes. Là où Wes Anderson s’est peut-être planté c’est en voulant réaliser un film choral avec une quinzaine d’acteurs dans un scénario centré uniquement sur deux ou trois personnages. On est alors un peu frustré de voir des Owen Wilson, Jason Schwartzman, Bill Murray ou autre Tilda Swinton que quelques minutes à l’écran. Au moins, l’envie de les revoir chez Anderson se ressent !
Visuellement époustouflant, The Grand Budapest Hotel est un grand cru Andersonnien ! Mêlant tous les genres, à l’aise dans tous les registres, le réalisateur américain livre sans doute ici son film le plus abouti et le plus fou. On en ressort émerveillé avec une furieuse envie de le revoir encore et encore ! Le premier rendez-vous de 2014 confirmé !